Comment prévenir le harcèlement sexiste au travail ?

Les obligations des employeurs en matière de prévention du harcèlement sexuel et sexiste

Le harcèlement sexuel est interdit par le Code Pénal et, du fait du Code du Travail, doit l’être par l’employeur en Droit du Travail.

Il s’agit depuis laloi Taubira du 6 août 2012 :

  • Soit de propos ou de comportements répétés à connotation sexuelle (voire, en Droit Pénal, sexiste), qui atteignent à la dignité ou créent une situation de mal-être souvent profond,
  • Soit toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent pour un acte sexuel, au profit de l’auteur de l’harceleur ou même d’un tiers (article L. 1153-1 du Code du travail et article L. 222-33 du Code Pénal).

La dimension sexuelle : comme visée ou connotation d’agissements oppressifs, voire destructeurs, est prépondérante.

Les agissements sexistes, par ailleurs, sont définis comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet qui atteint à sa dignité ou crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (c. trav. art. L. 1142-2-1 nouveau).

La dimension sexiste, souvent peu distinguable de celle sexuelle, consiste dans une infériorisation d’une personne d’un sexe par une ou des autres de l’autre sexe, le plus souvent masculin. Cela touche également les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles.

L’entreprise est une entité économique et juridique avec l’employeur, son ou ses dirigeants : c’est-à-dire un ou plusieurs représentants légaux (et symboliques). L’entreprise est également une communauté humaine au travail avec des élus et des représentants possiblement désignés par un ou plusieurs syndicats. L’entreprise, c’est-à-dire l’employeur, doit protéger contre harcèlement sexuel et agissements sexistes ses salariés. Leurs élus disposent de prérogatives, récemment renforcées, sur ces sujets qui nous intéressent.

Les moyens de prévention et recours pour agir contre le harcèlement sexuel

Le mot « recours », en prévention tertiaire, peut être employé contre le harcèlement sexuel ou les agissements sexistes, toutefois, fondamentalement, celui de « prévention » semble plus pertinent.

Dans les fondamentaux, en effet, les experts en distinguent trois :

  • Les préventions primaires (sensibilisation, ouverture pure, en amont, à la source),
  • Secondaires (protection face au risque de problème),
  • Tertiaires (réparation face au problème, volonté appliquée qu’il ne se reproduise pas, en action « curative »).

La prévention primaire, sensibilisation contre les causes des agissements sexistes

NB : Dans ces quelques lignes, nous ne prétendons nullement à l’exhaustivité des approches préventives.

Cette première prévention, ou action de sensibilisation, vise à repérer un facteur de risque pour l’éliminer. Ce risque se situe dans l’organisation. L’employeur, contre le harcèlement sexuel, doit d’abord « faire ouvrir les yeux » à son personnel, grâce à la loi :

  • Par l’affichage obligatoire revu et complété depuis la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2019
  • Et un décret d’application avec :  » les peines et les voies de recours devant les juges du Droit civil ou pénal pour du harcèlement sexuel ».

Le règlement intérieur doit aussi intégrer cette interdiction avec, de plus, celles du harcèlement moral et, plus récemment (loi du 17 août 2015), des agissements sexistes.

Dans l’affichage obligatoire, doivent figurer les noms de deux référents harcèlement sexuel et Agissements sexistes :

  • L’un désigné dans les entreprises de plus de 250 salariés pour orienter, informer et accompagner les salariés face à ces infractions,
  • Et l’autre nommé par le CSE parmi ses membres pour cette lutte. Indiquer comment les joindre dans l’entreprise serait approprié…

Pour cette dimension de prévention primaire, par exemple, l’employeur pourra utilement former sa hiérarchie vers les définitions légales (et la loi du 8 août 2012 sur le harcèlement sexuel n’est pas entièrement en phase avec ce qu’a intégré l’opinion publique, notamment avec la définition renforcée après la loi du 3 août 2018).

Pour cette prévention primaire, l’employeur :

  • Mettra à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels (obligation juridique : au moins une fois par an)
  • Et intègrera les interdictions, si ce n’est déjà fait, dans le programme d’amélioration de la sécurité et des conditions de travail (programme annuel avec évaluation obligatoire. C’est-à-dire un rapport de bilan également annuel, dès l’année terminée).

De même, les élus du CSE (« héritage » du CHSCT) doivent effectuer des inspections, au moins trimestrielles, souvent de routine, en prévention pure, et des analyses de risques.

Le CSE peut aussi susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer notamment des actions de prévention tant du harcèlement moral et du harcèlement sexuel que des agissements sexistes.

La prévention secondaire : détection des problèmes par l’employeur et les membres du CSE

Cette prévention secondaire est portée non plus sur l’organisation, mais sur l’individu. Elle jouera de façon plus concrète : tout employeur doit prendre ses responsabilités pour une entreprise performante, productive, mais aussi saine, donc harmonieuse. Il s’agit donc pour lui, obligation fixée par la jurisprudence, de repérer, de façon fort précoce, les éventuels soucis.

Cette prévention joue face au « risque de problème », dans une logique de remédiation, de renforcement, axée sur le processus dans la situation de travail, avec ses exigences ; elle entend améliorer les stratégies d’adaptation de l’individu dans l’organisation.

Ce devoir de « détection prompte », dans l’obligation générale de sécurité (laquelle n’est plus « de résultat »), est consacré par la cour de cassation. En Droit de la fonction publique, on parlerait de « protection fonctionnelle » et notamment pour : séparer le possible harceleur et / ou l’agitateur sexiste de sa ou de ses victimes.

L’employeur formera sa hiérarchie afin qu’elle l’alerte au plus tôt, en cas de signes même faibles.

L’employeur alarmé, dans sa nécessaire « obsession sécurité », pourra alerter le médecin du travail ou faire intervenir un médiateur, un psychologue du travail, voire un coach.

Une ou des enquêtes des élus du personnel en cas d’accident du travail, même uniquement possible et craint, peuvent avoir lieu, puisque la jurisprudence reconnaît les lésions psychologiques. En prévention seconde, on l’a constaté avec l’arrêt de la cour d’appel d’Orléans CA Orléans, n° 15/02566, 7 février 2017 : « harcèlement sexuel d’ambiance » (« où sans être directement visée, la victime subit les provocations et des blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables », des conditions de travail pathogènes, selon le modèle de Karasek revu par Johnson, peuvent tourner en harcèlement sexuel.

Des élus du CSE pourraient faire jouer leur droit d’alerte (voire de retrait) en cas de danger grave et imminent (par exemple sur apparent trouble suicidaire de la victime).

La prévention tertiaire, l’accompagnement des victimes

La prévention tertiaire intervient trop tard, lorsque le « problème » (grave avec du harcèlement sexuel) est survenu. Elle est axée sur les conséquences douloureuses pour la ou les personnes. Cette « prévention (hélas a posteriori) », prend en charge des salariés fragilisés, avec un accompagnement, du soutien psychologique. On tente de favoriser le retour à un travail en environnement sain.

Les actions possibles de l’employeur, notamment en compensation du préjudice de la ou des victimes, interviendront en termes de sanction contre l’harceleur ou l’agitateur sexiste.

Les élus du CSE pourraient faire jouer leur droit d’alerte et cette fois, le cas échéant, de retrait en cas de danger grave et imminent (par exemple sur une tentative de suicide), mais aussi celui pour le respect des libertés ou droits fondamentaux (« héritage » des Délégués du Personnel).

Pour l’employeur et les élus du personnel, il ne s’agit pas de marteler avec le regretté Bourvil : « L’alcool, non ! L’eau ferrugineuse, oui ! ».  L’obligation ne doit pas être formelle ; son respect pour améliorer et remodeler la réalité doit innover. Plus globalement, pour le harcèlement sexuel et les agissements sexistes comme pour d’autres risques, ainsi que l’a écrit la Dr Marie-Thérèse Giorgio, éminente médecin du travail en Suisse, internationalement reconnue : « Une bonne prévention est une prévention articulée : elle doit pouvoir prendre en charge l’urgence, mais également interroger le travail. »

Le CNFCE, organisme de formation au service de la prévention des risques psychosociaux en entreprise

Le CNFCE met à la disposition des entreprises, de la PME à la grande entreprise, de nombreuses formations de sensibilisation. Ces stages de un à plusieurs jours, visent à mieux comprendre et à mieux encadrer les agissements de type harcèlement sexuel, moral, ou tout autres risques psychosociaux.

Notre catalogue comprend aussi bien des formations pour les membres du CSE que des formations en hygiène, santé et sécurité en entreprise. Pour tout renseignement, contactez notre service commercial au 01.81.22.2218.

 

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Qui est Patrice Parthenay ?

Patrice Parthenay est consultant-formateur depuis près de vingt ans, après une carrière, tant dans le secteur public administratif que privé concurrentiel, comme Responsable Formation, RRH, DRH, Directeur juridique, mandataire social.

Il a voulu, comme spécialité dans ces séminaires, stages et cycles, conjuguer le Droit social avec les RH pour former des salariés, leurs dirigeants, leurs représentants élus ou mandatés.

Les Harcèlements (sexuel et moral), les Discriminations et les Agissements sexistes l’ont aussi conduit à intervenir dans le secteur public administratif (collectivités territoriales, assemblée nationale, hôpitaux publics, ministères).